Traçage isotopique de la variabilité de la recharge des eaux souterraines

Alexandra Mattei – 2019

Face à l’augmentation actuelle des pressions anthropiques et climatiques sur les réserves d’eau douce, les ressources en eau souterraine sont amenées à être de plus en plus sollicitées. En conséquence, la gestion à long terme de ces ressources s’affiche aujourd’hui dans les défis majeurs que notre société doit relever. Évaluer l’impact des pressions actuelles et futures qui s’exercent ou s’exerceront sur ces ressources passe obligatoirement par une évaluation de leur renouvellement, à savoir la recharge. Les outils isotopiques, et plus précisément les isotopes stables de la molécule d’eau ont été utilisés, dans le cadre de ces travaux de thèse, afin de préciser les mécanismes de transport d’eau au sein de la zone non saturée et ainsi estimer la recharge. Dans la première phase de ce travail, un nouveau protocole analytique pour la mesure de la signature isotopique de l’eau porale par spectroscopie laser a été développé. Ce protocole améliore la précision des résultats tout en diminuant le temps d’analyse nécessaire. Il a ainsi été possible, à l’échelle de la matrice de sol, de démontrer l’effet de la granulométrie sur la signature isotopique mesurée. Cet effet pouvant apporter une variabilité supérieure à celle associée à la saisonnalité du signal des précipitations observées, ces résultats soulignent la nécessité de prendre en compte l’analyse granulométrique lors de l’interprétation des profils isotopiques. Un code de calcul numérique prenant en compte l’évolution des isotopes stables de la molécule d’eau, depuis les précipitations jusqu’aux eaux souterraines, incluant le fractionnement isotopique lié à l’évaporation a été développé pour quantifier la recharge. Il est basé sur l’utilisation, sur une colonne 1D, du modèle hydrogéologique déterministe Metis développé à MINES ParisTech. Les isotopes stables de la molécule d’eau se sont avérés être des outils puissants pour contraindre, par modélisation inverse, les valeurs des paramètres hydrodynamiques nécessaires pour décrire et prédire le transport d’eau et de solutés dans la zone non saturée. En effet, à partir d’un cas synthétique, ces travaux ont démontré qu’une estimation fiable de la recharge est possible à partir uniquement d’un profil de composition isotopique de l’eau porale et d’un profil de teneur en eau, i.e. en s’affranchissant de tout suivi temporel continu. L’approche a été validée sur deux sites d’étude au Québec. Aussi, l’étude du cas synthétique a permis de démontrer que l’ajout d’un suivi mensuel de la composition isotopique de l’eau porale à une seule profondeur apporte, pour l’inversion, autant d’informations qu’un suivi continu de la teneur en eau à différentes profondeurs et permet au modèle de mieux reproduire la recharge à un pas de temps journalier. Ainsi, le développement de nouvelles méthodes d’échantillonnage de la composition isotopique de l’eau au sein de la zone non saturée a été entrepris dans cet objectif, et testé sur l’impluvium d’Evian afin de préciser l’évolution de la recharge en fonction de l’altitude. Enfin, l’étude d’un petit bassin versant situé au Sud du Québec a mis en évidence l’intérêt d’utiliser les isotopes stables de la molécule d’eau pour caractériser la variabilité des mécanismes de transport d’eau au sein de la zone non saturée dans les travaux de modélisation réalisés à plus large échelle que celle du profil de sol.