Variabilité spatio-temporelle du fonctionnement d’un aquifère karstique du Dogger
Célestine Delbart – 2013
Les aquifères karstiques sont parmi les milieux souterrains les plus difficiles à caractériser. Ils sont connus pour avoir des réponses complexes aux événements pluvieux en raison de l’hétérogénéité de la porosité allant de la porosité matricielle (micro-porosité) à la porosité de conduits (macro-porosité). La porosité de conduits génère des vitesses de transfert élevées au sein de l’aquifère, à l’origine de la vulnérabilité des aquifères karstiques. L’objectif de cette thèse est de définir les modalités du transfert de l’eau et des solutés au sein d’un aquifère karstique du Dogger situé en Bourgogne. Deux approches complémentaires ont été utilisées : (i) l’analyse de chroniques piézométriques et débitmétriques à partir d’outils de traitement du signal et (ii) une caractérisation géochimique et isotopique des eaux souterraines basée sur l’utilisation d’une large palette de traceurs, notamment des traceurs de datation. Ces deux approches ont été appliquées à différentes échelles temporelles : un suivi haute fréquence (jusqu’à 1h) lors de pics de crue pour étudier les transferts rapides et un suivi à long terme (pluri-annuel) pour caractériser les transferts lents et étudier la variabilité saisonnière des modalités d’écoulement.
Ce travail a permis de mettre en évidence une très large distribution des temps de résidence de l’eau souterraine, de quelques heures, lors d’événements de crue souligné par des temps de réponse pluie-niveau piézométrique faible (inférieurs à 70 h) à quelques années pour l’écoulement de base mis en évidence par l’utilisation de traceurs de datation (39 Kr, CFC-12 et SF6). En réponse aux précipitations, différentes masses d’eau ont pu être décrites : (i) une eau à vitesse d’écoulement lente, qui correspond à l’écoulement de base mis en évidence par l’utilisation des traceurs de datation ; (ii) une eau de recharge rapide dont le temps de résidence au sein de l’aquifère varie, selon les porosités empruntées, de quelques heures à quelques jours soulignés grâce au suivi en continu de la conductivité électrique, des éléments majeurs et du tritium ; et (iii) des eaux stockées au sein de la zone non saturée, remobilisées lors de pics de crue mises en évidence par la variation des compositions géochimiques en tritium et Ca2+ des eaux souterraines lors de pics de crue. Malgré une forte hétérogénéité des processus d’écoulement, une logique spatiale des écoulements rapides apparaît. Le temps de réponse du niveau piézométrique à un événement pluvieux et le temps de résidence augmentent vers l’aval du dôme hydrogéologique. L’étude temporelle de la réponse impulsionnelle par la méthode du corrélogramme croisé coulissant montre que le temps de réponse des niveaux piézométriques aux précipitations varie de façon saisonnière, et est plus court en été. La variation du temps de réponse pour un forage entre été et hiver est significative et peut atteindre une centaine d’heures. Cette variabilité temporelle s’explique en partie par une variabilité temporelle de l’intensité des pluies (plus importantes en été) qui induit une variation des mécanismes d’écoulement au sein de l’épikarst. Lors d’événements de pluie intense, la saturation de l’épikarst est plus importante provocant des transferts latéraux en son sein et permettant de transférer les eaux vers les conduits les plus ouverts.