Investigation physique et hydrogéochimique d’aquifères rocheux fracturés par diagraphie thermique et échantillonnage séquentiel, Québec, Canada

Guillaume Meyzonnat – 2020

Cette recherche concerne l’investigation verticale physique et hydrogéochimique d’aquifères rocheux fracturés carbonatés sur une profondeur de 100 m. Au Québec, l’exploitation d’aquifères rocheux fracturés assure l’approvisionnement en eau de plus du tiers des municipalités et de près de 80% de la population en région rurale depuis des puits individuels. Depuis 2008, des campagnes d’investigations majeures sont réalisées au Québec et ont déjà permis l’acquisition de connaissances remarquables sur les systèmes hydrogéologiques et hydrogéochimiques régionaux. En lien avec cet élan d’acquisition de connaissances, l’objectif de cette recherche est de détailler l’hétérogénéité des aquifères à l’échelle de forages, et d’identifier, le cas échéant, la stratification des masses d’eau selon la profondeur. La recherche menée comporte une première composante physique focalisant sur les relevés diagraphiques en température. La deuxième composante porte sur le développement d’échantillonneurs passifs permettant la collecte de données hydrogéochimiques en mode séquentiel. Le couplage de ces deux méthodes permet de tirer un portrait de la stratification verticale d’aquifères rocheux fracturés (Groupes de Potsdam, de Beekmantown et de Trenton) situés dans les Basses-Terres du Saint-Laurent, et quelques puits dans la région des Appalaches. Au total, vingt et un forages d’une profondeur comprise entre 22 et 128 m ont été investigués par diagraphie en température haute résolution. Quinze de ces puits ont également inclus des relevés microvélocimétriques et optiques et ont été sollicités en pompage. Neuf puits sur les vingt et un puits diagraphiés ont présentés des débits passifs ou étaient sous l’influence de pompages municipaux voisins. Dix puits (10) ont fait l’objet d’investigations hydrogéochimiques. Vingt-neuf échantillonnages séquentiels ont été collectés pour les ions majeurs et les isotopes stables de l’eau, dix-sept pour le tritium, treize pour le 14C et le 13C, quinze pour les gaz rares et quatre pour le SF6 et le CFC-12. Les résultats diagraphiques relèvent une grande hétérogénéité de la distribution des fractures et de leur transmissivité. Quatre-vingts pour cent (80%) des zones productives identifiées (n=54 pour 15 forages) sont des fractures discrètes ou des conduits, dont l’ouverture apparente est comprise entre 1 et 40 cm. La transmissivité des fractures est très inégale (1.9 10-2 à 2.2 10-6 m2/s, moyenne harmonique 2.6 10-5 m2/s) et aucune tendance n’est discernable selon la lithologie ou selon la profondeur. Les investigations thermiques en conditions dynamiques ont permis d’identifier que la moitié des fractures drainent des horizons aquifères plus profonds que la fracture interceptant le puits, et l’autre moitié des horizons superficiels (moins profonds que la fracture) plutôt drainés depuis la surface. Les investigations vis–à-vis du système calco-carbonique reportent une influence dominante de la dissolution des carbonates. Cependant, ces eaux « modernes » auraient une évolution plutôt limitée en système fermé vis-à-vis du CO2. L’échange isotopique entre le CID et la matrice carbonatée et l’échange cationique sont évidents et témoignent d’une certaine évolution des eaux souterraines au sein de ces aquifères. Les minéralisations les plus élevées sont essentiellement liées à la présence de minéraux très solubles, sulfates et apports salins. Les résultats en datation mettent en lumière la présence majoritaire de masses d’eau « modernes » (c.-à-d. âges 3H/3He et SF6 de 16 à 44 ans). La recharge de la moitié de ces masses d’eau serait postérieure aux années 1960, et l’autre moitié serait un mélange disparate (mélange binaire) avec des proportions atteignant 75% d’eaux pré-1960. L’interprétation concernant les âges 14C et les isotopes stables de l’eau suggèrent l’absence de masses d’eau significativement « anciennes », ce d’autant plus quand les puits sont influencés par des pompages municipaux voisins, ce qui modifie les conditions d’écoulements naturels. Les temps de résidences « modernes » n’apparaissent pas influencer la composition (type et minéralisation totale) des masses d’eau. La composition minérale ne varie pas ou très peu selon la profondeur, et quand elle survient, est essentiellement liée à la présence de minéraux les plus solubles (sulfates et apports salins). Les données collectées reportent ainsi une distribution hétérogène des zones productives selon la profondeur. Les masses d’eau majoritairement « modernes » seraient reliées à des écoulements relativement « rapides » au sein des fractures, accentués par les drainages anthropiques, quelle que soit la profondeur. Les réseaux de fractures n’induisent pas de conditions captives, ou en tout cas, ceci n’est pas apparent ni selon la composition, ni selon le temps de résidence de l’eau. Ces écoulements « modernes » et mélangés n’induisent pas de stratification des masses d’eau sur la fenêtre d’observation de 100 m de profondeur.