Mécanismes d’enregistrement géochimique liés à des processus cinétiques au moment de la précipitation des travertins
Léonora Fleurent – 2015
Si la relation entre l’enregistrement géochimique au sein de ces travertins et les paramètres environnementaux semble admise, le détail des processus, notamment cinétique et dégazage, ainsi que leurs poids respectifs dans les reconstitutions paléoenvironnementales ne sont clairement établis. Afin de mieux contraindre ces processus, un travail minutieux de reconnaissance des mécanismes de précipitation et d’enregistrement de la signature géochimique a été effectué sur les travertins –récents et fossiles- d’une source carbogazeuse située dans le Massif Central (France). Il couple expériences de laboratoire innovantes et travail sérié sur le terrain. Le taux de dégazage du CO2 dans les sources carbogazeuses est l’un des facteurs principaux conduisant aux conditions de précipitation via la modulation du taux de précipitation de la calcite et par conséquent, sa composition en 18O et 13C. Les tests en laboratoire ont été conduits en deux étapes : (1) caractérisation des mécanismes de dégazage seuls, et (2) des expériences combinant dégazage et précipitation pour mieux appréhender les processus cinétiques lors de la précipitation des travertins. En parallèle, un travail de terrain spécifique par pose de plaques de plexiglas le long de différents écoulements de la source, nous a permis de connaitre la résolution de précipitation des travertins et d’obtenir une meilleure estimation des facteurs de fractionnement. Les tests en laboratoire confirment que, lors d’un dégazage important, i.e. conduisant à la précipitation de travertins, la spéciation des espèces du carbone inorganique dissout (CID) et les flux entre ces espèces sont des paramètres primordiaux à considérer. Le facteur de fractionnement εDIC-CO2(g) qui dépend du pH suit alors une distillation de Rayleigh dans un système cinétique. Les évolutions des espèces carbonées en solution ont ainsi pu être modélisées à l’aide d’une équation de diffusion faisant intervenir les paramètres propres à l’expérience. Les résultats de terrain permettent de démontrer que les variations de conditions de précipitation sont principalement dues aux variations de conditions hydrodynamiques et, secondairement, aux variations de température, ce qui a pu être modélisé à l’aide de l’équation définie par Plummer en 1968 et qui a montré la variabilité des conditions de précipitation in-situ. Dans le cas des expériences de précipitation en laboratoire et par comparaison avec les données de terrain, le facteur de fractionnement εCID-calcite va dépendre des concentrations de chaque espèce de CID mais aussi de la partition du carbone entre phase gaz et phase solide. Pour l’oxygène 18, de 0°C à 10°C, les résultats acquis sur les travertins actuels nous ont permis d’utiliser la droite définie récemment par Coplen (2007) pour lier de façon fiable la température au moment de la précipitation et le facteur de fractionnement. Toutefois, pour des températures plus élevées, le facteur de fractionnement est plus important que ce qu’il devrait et confirmant ainsi la non-représentativité des droites de Coplen pour la détermination de la température de précipitation. Lors des expériences de précipitation la tendance est inverse à celle observée pour les travertins confirmant l’influence de la vitesse de dégazage et de l’indice de saturation sur le fractionnement isotopique. Nous avons également confirmé avec les expérimentations, l’impact de la vitesse de précipitation sur les teneurs isotopiques enregistrées dans les travertins. Ce travail a mis en lumière des mécanismes cinétiques complexes et qui ne sont pas complètement contraints par la seule utilisation des outils isotopiques. L’utilisation du partitionnement des éléments traces est un outil primordial pour appuyer l’étude de ces mécanismes.